La marine marchande fait face à un défi colossal. Elle doit drastiquement réduire sa dépendance aux énergies fossiles.
C’est un enjeu de développement durable mais aussi un moyen de réduire la dépendance et le coût des énergies fossiles, particulièrement volatiles ces derniers temps. Objectif : dépenser moins en fuel et réduire le bilan carbone des cargos.
Bonne nouvelle : la France tient le haut du pavé de cette révolution à venir de la marine marchande. Les solutions à court terme incorporent des dispositifs à base de voiles et de captage de l’énergie éolienne. L’hydrogène viendra plus tard.
Etat des lieux du bilan carbone de la marine marchande
Si le transport maritime était un pays, il serait le sixième plus grand émetteur de carbone au monde. Il rejetterait plus de CO2 par an que l’Allemagne. Selon l’Organisation maritime internationale des Nations unies, le transport maritime international est responsable d’environ 2,2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Les navires actuels présentent un autre problème : lorsque les cargos accostent, ils utilisent des moteurs auxiliaires qui génèrent des rejets de SOx, de NOx, de CO2 et de particules, tout en créant des bruits et des vibrations nocifs.
Quelles solutions pour réduire ce bilan environnemental ?
Le commerce mondial repose essentiellement sur les cargos et porte-conteneurs titanesques qui sillonnent les mers du globe. Impossible de s’en passer du jour au lendemain.
La solution à court terme : les navires fonctionnant à l’énergie éolienne, à l’énergie solaire et demain à l’hydrogène offrent des solutions à faible teneur en carbone.
D’ici 2030, les cargos alimentés par des combustibles fossiles pourraient céder la place à des voiliers de haute technologie grâce à une révolution dans la technologie de l’énergie, qui réduit les coûts de transport maritime tout en diminuant les émissions.
Les nouveaux modèles de voiles expérimentaux comprennent des voiles rigides, des cylindres verticaux rotatifs et même des cerfs-volants.
Evolution et révolution du transport maritime
Le changement est en train de s’opérer avec plusieurs solutions.
- des start up mettent à l’eau des voiliers bourrés de technologie comme Fair Transport
- des navires en bois modernisés par des entreprises de taille modeste qui font la preuve de leur concept
- de grandes entreprises de transport de marchandises qui lancent des navires modernisés et construits spécialement, comme les nouveaux grands cargos de Neoline.
Tous ces innovateurs adoptent des approches technologiques différentes pour résoudre les mêmes problèmes d’émissions de CO2, de coût élevé des combustibles fossiles et de nouvelles réalités réglementaires mondiales.
Les systèmes de propulsion éolienne couvrent un large spectre dans la navigation commerciale moderne. Ils vont des navires à combustible fossile assistés par le vent (où le vent fournit une énergie auxiliaire), aux navires purement éoliens sans énergie auxiliaire, en passant par les navires à voile hybrides où la propulsion primaire provient du vent mais est complétée par des moteurs pour assurer le respect des horaires.
Des innovations de haute technologie
Les voiles qui ressemblent de moins en moins à des voiles traditionnelles figurent peut-être parmi les innovations les plus originales du secteur du transport maritime de marchandises.
Connu sous le nom de dispositifs de propulsion assistée par la voile ou le vent, le concept consiste souvent à équiper les navires existants alimentés par des combustibles fossiles d’une variété de nouvelles technologies de voile qui offrent un surcroît de puissance tout en réduisant les émissions de carbone.
Ces approches d’avant-garde comprennent :
- les voiles à ailes, qui sont gonflables ; les « voiles dures », qui ressemblent à une aile d’avion disposée verticalement ;
- les voiles à rotor vertical « Flettner », qui ressemblent à des cheminées (mais qui utilisent l’effet Magnus, une force agissant sur un corps en rotation dans un courant d’air en mouvement)
- les cerfs-volants d’assistance à la voile ou sky sails qui ressemblent et agissent comme des deltaplanes, lancés depuis la proue d’un navire avec un câble pour aider à tirer le navire sous le vent.
Des cargos à voile déjà en fonctionnement
Le transporteur Neoline mise sur la nouvelle technologie des voiles qui, selon elle, est « immédiatement disponible et offre une solution suffisamment puissante pour propulser les cargos ».
L’entreprise a déjà établit des contrats de transport maritime avec le fabricant de pneus Michelin, le constructeur automobile Renault, ainsi qu’avec d’autres entreprises comme Longchamps, EDF, Manitou… qui cherchent à réduire leur empreinte carbone.
Le ferry Viking Grace, qui navigue sur la mer Baltique et construit par les chantiers STX Finland de Turku entre 2012 et 2013, est le premier cruise-ferry au monde à être équipé de moteurs hybrides alimentés en partie au gaz naturel liquéfié. La compagnie dispose surtout d’un modèle de ferry équipé de la voile rotor Flettner de Norsepower, qui fournit une énergie auxiliaire propre. C’est un système similaire à celui utilisé sur l’Alcione du commandant Cousteau.
Wallenius Marine développe l’Oceanbird, capable de transporter 7 000 voitures et camions à travers l’Atlantique, propulsé uniquement par des voiles ailées de haute technologie.
La compagnie Transocéanic Wind Transport (Towt) est en phase de construction d’une goélette, longue de 81 mètres qui pourra transporter jusqu’à 1.100 tonnes de marchandises. La livraison est prévue pour le second semestre 2023. Le futur cargo équipé de voiles de 2.500 m² aura une vitesse moyenne de 10,5 nœuds [environ 20 km/h] ce qui lui permettra de traverser du Havre à New York en treize jours. Selon l’armateur, le voilier-cargo permettra de réduire de plus de 90 % les émissions de CO2 liée au transport maritime des marchandises par rapport à l’option classique du porte-conteneurs
Ces innovateurs, ainsi que d’autres, se sont regroupés au sein de l’International Windship Alliance, un rassemblement d’entreprises de nouvelles technologies, de constructeurs de navires et de chargeurs de toutes tailles qui sont en train de changer le visage du transport maritime.
Mais les défis vont bien au delà des navires.
Les nouveaux navires nécessiteront également un autre type de port : une logistique de premier et dernier kilomètre électrique, avec des compétences anciennes en matière de navigation, d’armement et de construction navale préservées, renouvelées et mélangées au savoir-faire du XXIe siècle.
Une supply chain entière électrique implique des camions de transport soit électriques soit roulant à l’hydrogène ce qui constitue un autre défi de taille.
Autre enjeu : décarboner le fonctionnement des entrepôts logistiques à commencer par les rayonnages industriels. Une solution consiste à recourir à du matériel d’occasion dont le bilan carbone est déjà amorti plutôt que d’acheter du neuf.
Nous entrons rapidement dans un monde de voile, de batterie et d’hydrogène, de transport de marchandises sans carbone.